[eng]
Differences between the sexes, in terms of style of improvisation, strengths and weaknesses.
[fra]
Je ne sais pas si c’est pour marquer le coup de la Journée Mondiale du Sida, mais j’avais envie parler de sexe. Ou plutôt DES sexes, puisque j’ai le plaisir de vous proposer une petite exploration des différences qu’il y a entre les improvisatrices et les improvisateurs.
Je commence par m’appuyer sur les deux seuls texticules qui ont osé briser le tabou à ce jour, j’ai nommé l’excellent essai de Deborah Frances-White (contenu dans l’excellent Improv Handbook que je continue à recommander en criant sur les toits) et le petit passage du gourou Johnstone dans ses Afterthougts de son Impro for Storytellers. Je me réjouis d’accueillir vos suggestions ou contributions, tant il me semble que la question des différences homme-femme soit un sujet traité par-dessous la jambe.
Johnstone constate que le TheaterSport à Oslo vient d’une initiative féminine, mais que la troupe a été phagocytée par les hommes quelques années plus tard. « C’est dommage: en général, quand le TheaterSport devient dominé par les hommes, tout disparaît: il n’y a plus ni émotions, ni tendresse, ni compassion. »
De son côté, Deborah relaie les constatations de son mentor: « On dirait que dans toutes les compagnies d’improvisation, vous verrez sur scène moins de femmes que d’hommes – ou peut-être même pas du tout. Mais dans les troupes où les genres sont équilibrés, le style de jeu est moins univoque, davantage fondé sur le travail du personnage ou le storytelling, et dès lors – pour ces mêmes raisons – beaucoup plus drôle. »
Johnstone poursuit en donnant des conseils pour encourager les filles à cultiver leur différence (s’entraîner entre elles, se soutenir mutuellement) pour éviter qu’elles ne sombrent dans un jeu machiste. Le risque des femmes désespérément en quête d’intégration, c’est de se cantonner aux rôles d’objets sexuels, ou de rivaliser avec les hommes dans leur style de jeu, se transformant ainsi en « mec avec des seins ». Et dieu sait que j’ai vu des femmes-hommelettes sur la patinoire, cracher et jurer comme des hommes, du poil sous les aisselles et un style à faire rougir la plus délurée des lesbiennes. Ça n’apporte rien, et en plus ça inhibe diablement ma libido pour plusieurs nuits.
Deborah reconnaît que des troupes unisexes peuvent parfaitement fonctionner ensemble, à condition de travailler dans des couleurs de jeu différentes et avec un esprit non compétitif. C’est d’ailleurs les reproches qu’on peut faire aux garçons: jouer avec leur ego et leur queue, en essayant de pisser le plus loin, de faire la meilleure saillie et d’arracher les rires les plus nombreux.
Mâles et femelles en improvisation ont donc les faiblesses de leur force: si la femelle est plus subtile dans ses interventions, plus tendre et plus poétique, elle peut parfois se laisser aller à un flou (excessivement) artistique. Le mâle, lui, avec sa vivacité d’esprit et son sens du pratique, est souvent plus prompt au gag efficace ou à l’humour slapstick, parfois au détriment d’un théâtre plus naturaliste.
Mâles et femelles improvisent différemment, et auraient donc tort de ne pas (re)connaître leurs différences. Ne serait-ce que pour choisir judicieusement les concepts qu’ils/elles souhaitent jouer: dans Whose Line is it Anyway, on aurait de la peine à défendre que les (rares!) filles invitées sont plus efficaces que les hommes. À mon sens, c’est parce qu’il s’agit d’un concept très punchy, qui ne laisse que peu de place à l’émotion et aux histoires crédibles. Inversement, le show exclusivement féminin Hell on Heels du Spontaneity Shop ne ferait que s’embarrasser d’une présence masculine, tant le concept ménage adroitement sensualité et subtilité.
À un degré plus large: si l’on part du principe que le public se déplace aussi à des spectacles d’impro pour voir des êtres humains qui fonctionnent de manière harmonieuse, je pense qu’il faut continuer à proposer des équipes mixtes et équilibrées.
Et c’est pas seulement pour avoir des gâteaux aux entraînements que je dis ça.