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L’impro dans les grandes lignes…

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La peur… Ce satané animal

Posted by Cid sur 6 avril 2009

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It’s amazing to see how fear influences our behavior on stage. Fear pushes us to do inadequate moves, makes us glance at ourselves, and drives us to say « No » to most proposals. Hence, a good idea would be to accept fear, to recognize it, use it and tame it.

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C’est incroyable ce que la peur nous fait faire. Ses effets sont si multiples, si variés, qu’on ne reconnaît pas toujours que c’est la peur qui est derrière. Or tout l’enseignement des anglo-saxons repose là-dessus : faire tomber la peur. Pourquoi ?peur

La peur fait dire non !
Notre instinct de conservation nous pousse à être méfiant et à ne pas tout accepter aveuglément. Dire « oui » à une proposition n’est donc pas une règle si facile à suivre. Cela suppose de perdre le contrôle la situation, de faire confiance à ce qui est proposé, voire imposé. En gros, à sauter dans le vide les yeux bandés

La peur nous pousse à nous regarder :
Etre dans son personnage, c’est voir ce que son personnage voit, voir son but, son objectif, sa cible. Or, la peur coupe de la cible, et renvoie la cible sur nous : on se regarde jouer, on se regarde être mauvais, on se regarde ne pas avoir d’inspiration, d’idée, on se regarde bafouiller … Et plus on se regarde, plus on est mauvais !

La peur nous fait bouger inutilement:
Regardez vos pieds qui trépignent sur place inutilement, vos mains qui se touchent ..Tous ces mouvements inutiles et parasites, c’est la peur encore ! Vous croyez qu’en faisant tous ces mouvements vous remplirez le vide devant vous ?…Rien du tout ! La peur est là, bien là, et plus vous vous débattrez, plus elle vous encerclera.

Pas la peine de l’ignorer. Il faut admettre que la peur est là, en reconnaître les effets, s’en servir et la dompter. Pour cela :

Servez vous de votre peur pour la transformer en énergie :
C’est une des grandes techniques du chant et du théâtre. La peur place la respiration au niveau de la poitrine (centre des émotions), faites donc descendre cette respiration dans le ventre (inspiration en gonflant le ventre, expiration en poussant l’air avec le ventre). Vous verrez, l’effet de détente est immédiat. Puis, enracinez vous dans le sol : les deux pieds bien plantés, votre corps bien équilibré sur vos deux jambes, imaginez que l’énergie vient du sol, et qu’elle remonte à vous par vos pieds et vos jambes. Vous verrez qu’en prenant cette habitude, vos gestes seront canalisés, votre jeu plus posé. Et dites vous que plus la peur est grande, plus il faut la transformer en une belle énergie qui remontera par vos pieds.

Dites vous que les idées qui vous viennent ne vous appartiennent pas.
Johnstone préconise d’imaginer qu’une espèce de force supérieure, qu’on pourrait traduire par « Le grand esprit », nous donne toutes les idées, ou ne nous en donne aucune. Mais il faut veiller à ne pas contrarier le grand-esprit, ne triez pas ses idées en disant qu’elles sont bonnes ou mauvaises, ne les forcez pas non plus, laissez les venir….Car si vous ne vous pliez pas au grand-esprit, vous déclenchez sa colère, et n’aurez que des idées compliquées, farfelues ou pas d’idées du tout…. Non chers amis, vous n’êtes pas dans une secte, c’est juste une technique pour faire tomber la peur, libérer les inconscients, et favoriser les connexions entre joueurs.

Oubliez les règles :
Les règles sont là pour être travaillées en atelier. Sur scène, elles sont intégrées, plus ou moins peut-être, mais elles sont intégrées. Donc avant d’entrer sur scène, pas la peine de sortir la petite fiche bristol avec la liste de ce qu’il faut faire ou ne pas faire (oui, je sais, vous n’êtes pas idiots à ce point, mais disons qu’on a tous été tentés de se refaire une liste dans sa tête à 10 minutes d’un début de spectacle). C’est là où il ne faut pas se méprendre sur les règles du match, elles sont là pour servir un concept, elles n’apprennent pas comment improviser. Si vous entrez sur la patinoire, en vous disant qu’il ne faut pas faire de rudesse, de cabotinage, de refus de personnage, etc…. Autant revenir directement dans les loges. Un joueur qui entre sur scène en ayant toutes les pénalités à éviter en tête, ressemble à un funambule qui regarde dans le vide lorsqu’il est sur son fil. Pour tenir l’équilibre, il faut regarder loin devant soi : foncer dans toutes les idées qu’on nous propose et ne pas regarder sur les côtés.

Ma petite recette à moi….
Enfin, ma petite recette à moi que je mets en pratique à chaque fois que la pression monte trop avant un spectacle : je m’imagine ayant terminé le spectacle en ayant fait une prestation des plus minables. Je l’accepte en me disant que finalement, ce n’est qu’un spectacle, c’est bon pour mon orgueil, et ça ne sera pas une raison pour abandonner l’impro… Puis, partant de là, acceptant d’être mauvais, je me dis qu’après tout, je n’ai plus qu’à m’amuser…

NB: Peinture: « Le Cri » de Edward Munch

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Quand l’impro va mal, activez la bascule!

Posted by Cid sur 15 décembre 2008

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When a scene or a show is at a standstill, go back to simplicity and activate the see-saw unbalancing status, emotions or energies.

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On a tous vécu, en tant que joueur, des spectacles d’improvisation où « ça ne démarrait pas ». Les situations restent au point mort, les personnages ne trouvent pas leur place, les connexions ne se font pas.

bascule_enfantPour remédier à cela, le premier réflexe est de retrouver la perte de contrôle et l’énergie de nos meilleurs spectacles. On se prodigue des conseils du genre « Allé! Faut y aller là! Faut que ça démarre… » Mais pour l’expérience que j’en ai faite, soit le spectacle ne démarrait jamais, soit on s’abandonnait à une hystérie collective, avec quatorze idées à la secondes, et une écoute proche du néant.

Le tort, à mon avis, est d’une part de forcer artificiellement l’énergie et la perte de contrôle, d’autre part de ne pas prendre le temps d’installer les préalables essentiels (relations claires entre les personnages, situations bien mises en place, idées simples…).

Dans ces cas, pour moi, rien ne vaut le retour à la simplicité !

Proposons une seule idée, simple, compréhensible de tous, et laissons les choses se mettre en place. Les décalages, le punch, les ruptures ne peuvent arriver qu’une fois la situation solidement ancrée.

Donc, quand une improvisation commence, il faut savoir être patient, laisser les choses émerger du néant et s’installer tranquillement.

Et si ça ne démarre toujours pas, on fait quoi ?

Le mal peut avoir plusieurs origines, et les solutions peuvent donc être multiples. Cependant il y en a une à laquelle je crois beaucoup et qui est très efficace : celle qui consiste à introduire des déséquilibres dans l’improvisation. Qu’entends-je par là ? J’entends déséquilibre de statuts, d’émotions, d’énergies.

Tout cela m’est venu en préparant une série d’ateliers sur les statuts, à partir des travaux de Keith Johnstone (Impro; Impro for storytellers). Johnstone part du principe que, dans la vie de tous les jours, quelle que soit la relation qu’on entretient avec une personne, quelle que soit la discussion qu’on engage avec elle, tout se fait sur le mode du déséquilibre de statuts. A un instant t, X va avoir un statut haut (assurance, confiance en soi, épaule déployée, bras détendus le long du corps, maintien du contact visuel) et Y un statut bas (élocution hésitante, mains près du visage, corps recroquevillé, dodelinements de tête, contacts visuels épisodiques et brefs…), ces statuts pouvant s’inverser l’instant d’après. Bien sûr, il y a des statuts plus ou moins hauts et des statuts plus ou moins bas, la nuance peut-être très fine, mais même entre les deux meilleurs amis du monde, ce déséquilibre aussi petit qu’il puisse être, existe toujours. Ainsi l’auteur prône de recréer ce déséquilibre lors des improvisations.

Pendant les ateliers que j’ai eu l’occasion de mener sur ce thème, un exercice consistait à faire une série d’improvisations à deux, où :

  1. les deux sont en statut bas,
  2. les deux en statut haut,
  3. l’un en statut haut, l’autre en statut bas,
  4. l’un en statut haut, l’autre en statut bas avec une bascule de statut en milieu d’impro.

Il est surprenant de constater à quel point le déséquilibre introduit la dynamique ! Les deux premières impros nous ont parues cruellement plates, la troisième plus cohérente, la dernière vraiment intéressante.

Dites moi « Ok ! Super ! C’est simple ! Il suffit de déséquilibrer ! » et je vous répondrai « Ben non ! Ce n’est pas si simple ! ». Pourquoi ? Parce que chacun d’entre nous a une préférence pour l’un ou l’autre des statuts. Si deux joueurs préférant le statut bas se rencontrent, on voit une histoire qui n’avance pas, car par excès de politesse, par peur de faire une faute de rudesse, les deux joueurs restent en statut bas, aucun ne prend l’initiative de basculer en statut haut. Et, plus encore, la majorité d’entre nous a du mal à se mettre en statut bas (par orgueil j’imagine..). Ainsi, on voit des improvisations qui ressemblent plus à une lutte de pouvoir qu’à une histoire, car chacun veut conserver un statut haut.

Pour remédier à cela, un exercice efficace et très rigolo que conseille Johnstone encore, est de séparer le groupe d’improvisateurs en deux, chacun ayant pour tâche d’écrire sur un papier une vingtaine d’insultes. Puis, en mettant ces papiers de côté, on demande à deux personnes (une de chaque groupe) de faire une improvisation très simple : par exemple un client entre dans un magasin de chaussure et entame une discussion avec la vendeuse. Cette impro doit être la plus simple du monde, on ne demande aucune originalité ni artifice ! Puis, on ressort la liste, et on leur demande de refaire l’improvisation en ajoutant à la fin de chaque phrase une insulte de la liste:

– Bonjour, connasse !
– Que puis-je pour vous, trouduc !
– Je souhaiterais une paire de botte, poufiasse !
– Bien. Quelle taille faites-vous, enfoiré ! etc…

Outre le fait que nous avons beaucoup ri lors de cet exercice, nous avons aussi totalement dédramatisé le statut bas en nous laissant insulter, et par la suite les déséquilibres de statuts étaient bien plus aisés. De plus, passer par cette liste est un premier pas important, car de cette façon les insultes ne sont jamais prises pour des attaques personnelles. C’est ce qu’on doit ressentir sur scène, plonger son personnage en statut bas, n’est pas s’avilir soi-même.

On peut généraliser cette notion de déséquilibre et de bascule aux émotions et aux énergies.

  • Une impro avec deux personnages tristes va avoir moins de relief qu’une impro avec un personnage triste et un autre énervé. De même la bascule d’émotion en cours d’impro peut-être très intéressante.
  • Une impro avec deux personnages hystériques et stressés, sera assez fatigante à regarder, par contre, si l’un est stressé et l’autre neurasthénique, le contraste sera savoureux.

Bien sûr, l’énergie ou l’émotion qu’on choisit impliquera un statut particulier, donc les trois paramètres (émotion, énergie, statut) sont largement corrélés. Cependant, avoir ces trois paramètres à sa disposition permet de prendre les choses pas différents biais.

Il faut donc avoir bien présent à l’esprit, que quelle que soit l’improvisation qu’on entame, le déséquilibre de statut existe, et s’il n’existe pas il faut l’activer en basculant vers le haut ou le bas!

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