Le Caucus

L’impro dans les grandes lignes…

Impro dirigée VS impro libre?

Posted by Aurélie Delahaye sur 20 juin 2008

[eng]

Impro can be either directed, or not. It means that the improvisers are led by a director that gives sometimes a situation, sometimes emotion, sometimes tells what is happening. Or they are totally free. These two styles often fight, and they shouldn’t, because they are both great for the audience if they are well done, and can both teach something to the improvisers.

[fra]

Lorsque j’ai fait mon voyage à Chicago et à Calgary, j’ai pu rencontrer deux types d’impro bien différents, l’improvisation libre (Chicago), et l’improvisation dirigée (Calgary). Qu’est-ce que cela signifie ? L’improvisation libre est celle construite uniquement par les improvisateurs qui sont sur scène. Cela ne signifie pas pour autant « improvisation libre » à la française (match), c’est à dire sans aucune catégorie, ni format qui sous-tend l’improvisation. A Chicago par exemple on peut voir beaucoup de Harold, le fameux format créé par Del Close: le spectacle a une structure bien définie. Mais les improvisateurs mènent leur barque, seuls, et ensemble. Comme me le disait un professeur là-bas : « nous prenons tout ce qui est sur scène comme quelque chose d’acquis, si quelqu’un fait une erreur ou quelque chose qui ne convient pas, eh bien nous jouons avec, nous construisons dessus, c’est au groupe de soutenir tout ce qui est posé ». Et cette personne ajoutait d’ailleurs qu’elle ne comprenait pas l’improvisation dirigée, qui, selon elle, brimait les improvisateurs et tendait à les juger.

L’improvisation dirigée, elle, est guidée par un directeur. Les improvisateurs qui sont sur scène et construisent le spectacle (qui suit un format, la plupart du temps) se voient donner des indications sur ce qu’ils font, l’endroit où ils sont, les émotions qu’ils ressentent etc. Le directeur est là pour donner un point de vue extérieur à la scène, et pour l’aider à avancer. Il est celui qui voit l’évident lorsque les improvisateurs, pris dans leur scène, ne le voient pas. Il est aussi celui qui enlève toute pression aux improvisateurs. Pas besoin de se demander sans cesse si l’on aura des idées, et si celles-ci iront dans le sens de la construction d’une histoire, car le directeur est là pour aider si l’improvisateur patine. Est-ce à dire que l’improvisateur ne fait rien? Non, car justement, le but est qu’il puisse faire. J’ai expérimenté des scènes où l’évidence des sentiments ou de la continuité de l’histoire, apparaissaient beaucoup plus facilement, parce que le cerveau se relâchait. L’impro dirigée ouvre donc la voie de la spontanéité. Vous l’aurez compris, j’aime ce genre d’improvisation. Il est d’ailleurs très développé par Keith Johnstone dans nombre de ses formats.

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Mais malgré cela, je ne comprends pas que l’on s’oppose autant, entre les deux styles. Pourquoi l’un serait-il meilleur que l’autre? Ce sont juste deux styles bien différents, et qui ont chacun leurs travers et leurs bienfaits. L’improvisation dirigée, doit être bien menée. J’ai entendu par exemple à Calgary: « le directeur ne doit pas penser en tant qu’improvisateur, à ce qu’il aurait fait lui sur scène, il doit vraiment s’interroger sur ce qui est déjà sur scène, et doit fournir ce dont la scène présente a besoin« . Il pourra donc arriver à un directeur de dire « reviens en arrière de quelques instants, et réagis de manière émotionnelle à ce que vient de dire ton partenaire ». Il ne détruira pas la scène malgré ces quelques secondes de flash back, il aidera à construire sur ce qu’a posé l’autre improvisateur. Mais le directeur ira trop loin s’il ne laisse aucune marge de manœuvre aux improvisateurs, ou s’il impose à l’improvisateur une réaction qui aurait été la sienne mais qui ne correspond pas à celui-ci. Si l’on tombe dans ce travers de vouloir rendre la scène telle que l’on voudrait qu’elle soit, alors le spectacle dirigé ressemble à ce qu’on lui reproche parfois d’être: une souffrance pour les improvisateurs, et une impression pour le public, d’être en train de regarder un cours d’improvisation qui ne lui est pas destiné.

L’improvisation libre, quant à elle, permet plus de liberté aux improvisateurs. Et l’on vient aussi voir de l’improvisation pour voir des comédiens échouer de temps en temps, car cela signifie qu’ils auront pris des risques (attention dans ce cas à échouer avec plaisir, car l’empathie du public le mènera à souffrir de nos échecs, si nous souffrons aussi). Le public peut donc bien accepter les erreurs, si elles sont assumées. Mais, le revers de la médaille, est que tout est joué à chaque minute. Par exemple, si un improvisateur sur scène a posé quelque chose d’intéressant, que le public aurait aimé voir exploiter, mais que son partenaire, dans un moment de stress ou d’égoïsme, est passé outre, on ne peut plus revenir en arrière, et l’on va voir la scène se détruire petit à petit, avec des improvisateurs qui se demandent où est l’histoire, avec peut-être l’un d’entre eux qui vit une frustration etc. D’un autre côté, lorsque les comédiens se font confiance, lorsqu’ils sont généreux, qu’ils se donnent dans l’impro à 100%, quel plaisir de les voir évoluer seuls sur scène, sans coupure d’un directeur, ni dans l’histoire, ni dans l’évolution de leurs personnages, ni dans leur engagement envers la scène.

Les deux styles sont donc intéressants à exploiter. L’un, l’impro dirigée, s’adresse peut-être plus aux improvisateurs en apprentissage, mais ce serait dommage de le réduire à un style de débutants, car la perfection en improvisation est impossible, et l’on a toujours quelque chose à apprendre. Pour le public également, avoir ces interventions peut constituer un grand plaisir, en tant que telles, et parce qu’elles vont permettre à la scène d’être meilleure. L’impro libre n’est pas non plus réservée aux improvisateurs expérimentés, elle permet aussi à chacun d’apprendre à prendre ses responsabilités et à jouer avec les autres. Et elle offre au public une belle continuité dans le spectacle. Travaillons les deux, nous n’en serons que meilleurs, et apprenons à prendre du plaisir dans l’un comme dans l’autre!

6 Réponses to “Impro dirigée VS impro libre?”

  1. finpoil said

    On pourrait aussi dire que l’impro dirigée célèbre une certaine séparation des pouvoirs: l’improvisateur sur scène n’est plus qu’acteur et créateur, alors que le meneur de jeu devient le metteur en scène titularisé et l’éditeur.
    Tandis que dans l’improvisation libre, les improvisateurs du groupe assument tous ces rôles, en même temps.
    En prenant une autre métaphore, on pourrait dire que l’impro libre est semblable à un groupe de jazz sans leader particulier, alors que l’impro dirigée exécute une partition improvisée sous la baguette d’un chef.

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  3. Ouardane said

    Je suis surpris de voir les deux improvisations séparées comme ça ! Chacune dans son coin…

    Je le confesse, je n’ai jamais pratiqué d’improvisation dirigée consacrée.

    Cependant, j’ai quand même l’impression que je flirte avec cette limite quand j’introduit sur scène des éléments sans monter.

    Une voix off, des bruitages, des élipses dirigent sacrément l’impro, sans pour autant être réellement une improvisation dirigée au sens consacrée.

    Deux types rentrent, et n’osent pas se parler. La voix off dit : « c’était la première fois que j’achetais de la drogue », et bim, l’impro est complètement orientée, sans avoir à mettre le moindre pied sur scène. On pourra alors soupoudrer les interventions pour diriger l’improvisation, sans pour autant interrompre le récit.

    Idem avec les « deux jours plus tard », le son de la radio qui annonce qu’il pleut et que le traffic est bouché, les « revoyons cette scène au ralenti »…

    Et même si on monte sur scène… Combien de fois m’est-il arrivé de monter juste pour envoyer des joueurs dans une direction « Tiens, prend ça, et va là ! » pour sortir juste après.

    Dans ces moments on a un rôle qui flirte vraiment avec celui de directeur…

    La frontière est donc bien mince, ce qui rend encore plus stérile le fait des les opposer !

  4. Lily said

    Hey Ouardane ! 🙂

    Justement, ce que tu soulèves montre bien la séparation. Quand tu es un joueur et que tu interviens pour « diriger » la scène (moi j’aurais plutôt dit « contribuer à », « faire avancer »), tu restes un joueur, qui intervient dans le cadre de l’histoire. Tu es extérieur à la scène, mais tu es SUR SCENE, avec les autres, tu es un improvisateur, et tu contribues à l’histoire en JOUANT (même une voix off).

    Un directeur fait partie du spectacle mais il n’est pas un improvisateur et il n’est pas sur scène. Quand il intervient, il est vraiment metteur en scène, il peut t’indiquer quoi dire maintenant tout de suite (et ça un joueur ne le fait pas), il peut aussi te dire ce que tu vois, ou ce qui arrive (et ça, je suis d’accord, un joueur aussi peut le faire, mais peut-être un directeur le fera-t-il avec plus de recul). Et il ne joue pas: s’il te dit ce que tu vois, c’est à toi ensuite de montrer que tu le vois, le directeur ne pose rien sur scène, contrairement au joueur extérieur.

    Viens au prochain Micetro des Improfessionals ! Tu me diras si la différence est flagrante (et d’ailleurs, Rob Reese aussi l’a un peu fait lors de son workshop)

  5. Ouardane said

    Oui, je voulais venir hier soir, mais j’avais d’autres projets =)
    Mais je me suis fixé d’aller au prochain.

    Je suis d’accord que le public perçoit une différence, et que cette différence existe, mais elle est un peu plus subtile que deux styles d’impro complètement différents !

    Si la voix off est la voix du personnage principal, et qu’elle annonce « Et à ce moment là, je lui ai dit je t’aime pour la première fois », ou « je ne pouvais pas attendre une minute de plus pour lui dire que je venais d’une autre planète », la démarche n’est pas très différente que de simplement dire « dis : je t’aime » ou « dis : je viens d’une autre planète ».

    La perception du public est clairement largement différente, mais la démarche, je n’en suis pas si certain.

    Mais pour tourner la conversation dans un sens plus positif, mon point était de dire que j’étais complètement d’accord avec le fait qu’elles ne devraient pas s’opposer, surtout que l’impro libre emprunte parfois des éléments à l’impro dirigée (tout ce qui est amenée depuis le hors scène aux improvisateurs sur scène), et l’impro dirigée (comme dans un Micetro) laisse parfois énormément de place au joueur (si je ne dis pas de bêtise).

  6. Lily said

    😉

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